Les constructeurs automobiles misent désormais sur la réduction des émissions en carbone en transitant progressivement vers l’électrique. Pour Porsche, il faut que les véhicules thermiques anciens continuent à être fonctionnels de manière plus propre pendant encore longtemps. C’est ainsi que l’idée de production d’eFuel lui vient en tête, un système fonctionnant à l’hydrogène.
Comment ça marche ?
À titre de rappel, l’eFuel est un carburant esthétique qui consiste à transformer l’éthanol en carburant sans utiliser le pétrole. Pour ce faire, Porsche a seulement utilisé l’eau et l’air. Tout d’abord, le fabricant réalise une électrolyse en séparant l’hydrogène de l’oxygène contenu dans l’eau. Outre l’hydrogène, la fabrication d’éthanol nécessite l’utilisation d’un gaz à effet de serre, plus particulièrement le dioxyde de carbone (CO2). Porsche s’est alors servi de gros ventilateurs envoyant l’air ambiant dans des filtres spécifiques pour le capturer. En combinant ces deux réactifs, le eMéthanol (CH3OH) est formé, qui est un alcool pouvant servir de carburant. On a nommé ce procédé methanol-to-gasoline dont l’essence obtenue peut alimenter n’importe quelle voiture thermique.
Est-ce que l’eFuel est vraiment moins polluant ?
Porsche n’a pas investi dans ce projet méthanol-to-gasoline dans le but de concurrencer directement avec les véhicules 100 % électriques. À l’instar des rejets polluants à l’échappement d’oxydes d’azote (Nox), ceux de l’eFuel ne sont pas, en effet, réduits. Cependant, cette solution permet d’éviter aux voitures thermiques d’être envoyées à la casse ou de subir des modifications mécaniques coûteuses. De plus, il est encore difficile de les remplacer (1,3 milliards) dans un avenir proche selon le directeur de ce projet. Pour le moment, la solution consiste à les rendre climatiquement neutres grâce à la capture au préalable du CO2. Quoi qu’il en soit, l’obtention de ce carburant synthétique nécessite d’importantes énergies, et ce jusqu’à 20 kWh par litre. L’écologie est ainsi mise en cause, d’autant plus que les centrales de charbon participent à la production. D’ailleurs, ceux qui misent sur le système hydrogène comme Toyota ou Hyundai font face au même problème.
Comment Porsche a-t-il investi dans l’eFuel ?
En s’associant à Siemens Energy, Porsche a installé son usine-pilote de fabrication d’eFuel au nord de Punta Arena au Chili. La société chilienne Highly Innovative Fuels (HIF) a contribué à l’obtention des permis environnementaux nécessaires à cette exploitation. Le coût de la production d’énergie renouvelable y est moins élevé que chez d’autres pays opérant dans le domaine. En effet, 3,5 fois plus d’électricités qu’en Allemagne sont fournies dans ce pays d’Amérique du Sud à partir de l’énergie éolienne. Cela permet de bénéficier d’un tarif intéressant de 15 €/MWh contre 28 €/MWh en Afrique-du-Sud et 40 €/MWh en Norvège. D’ailleurs, comme la densité de la population à proximité du Chili est faible, l’énergie perdue sera utilisée à bon escient.
Cependant, le transport de l’eFuel produit vers l’Europe nécessite encore un budget important. Ainsi, Porsche envisage de substituer le carburant utilisé pour les bateaux par l’eFuel, et cela à l’échelle internationale dans le futur. Une motivation de plus pour le fabricant vu que la motorisation électrique n’est pas encore faisable pour le transport maritime.
Pourquoi Porsche ne se contente pas du bioéthanol ?
Contrairement à l’électrique, le bioéthanol peut être le concurrent potentiel de l’eFuel. Sa production nécessite moins de budget en utilisant simplement des sucres et de l’amidon fermentés contenus dans des végétaux. Cependant, la quantité de pétrole utilisée pour la fabrication du bioéthanol E85 utilisé en France est encore assez importante. Voilà pourquoi, Porsche ne s’est pas intéressé à la production de cette autre forme de carburant vert. Il gagne aussi un point de plus vu que le bioéthanol ne convient pas à toutes les motorisations thermiques actuelles. Par ailleurs, le fabricant est assez sceptique à l’idée de consommer une grande quantité d’eau et d’occuper d’immenses surfaces agricoles. Pourtant, cet argument est incohérent vis-à-vis de la filière française du bioéthanol qui utilise moins de 1 % de surface agricole.
Quand l’eFuel de Porsche va-t-il être lancé ?
La production de l’eFuel de Porsche au Chili sera lancée à partir de ce mi-2022. Pour commencer, Porsche n’envisage que de produire 130 000 litres d’eFuel pour cette année. Les Porsche 911 GT3 Cup seront les premières à bénéficier de ce carburant synthétique pour servir de test. Le fabricant insiste que les moteurs des véhicules utilisés lors du championnat Supercup doivent rester thermique le plus longtemps possible. D’ici 2024, il envisage de produire plus de 110 millions de litres et 550 millions de litres par an en 2026. Toutefois, cette quantité n’est rien par rapport à la production d’essence dans le monde. En effet, 42,55 milliards de litres d’essence se sont écoulés en une année en 2020. De plus, ce chiffre n’est que la consommation routière de carburant, sans compter que le confinement a marqué cette année.
Combien ça coûte ?
Il est encore difficile pour Porsche de déterminer le prix du litre de l’eFuel lorsqu’il sera officiellement lancé. En tenant compte des contraintes de production, le litre peut atteindre les 10 $ à l’heure actuelle. Son objectif, c’est de pouvoir le mettre sur le marché au-dessous de 2 $ hors taxe le litre en 2030. Il sera ainsi compliqué, voire impossible d’affronter le marché de l’essence classique. En effet, celle-ci a été encore vendue à moins de 1 $ par litre en outre-Atlantique en octobre 2021. De plus, le cours du pétrole a connu une forte augmentation durant cette période.
Pour que le prix de l’eFuel soit alors plus compétitif, Porsche se penche sur la taxation élevée du carbone. Il fait également comprendre que la vie avec les véhicules thermiques sera plus chère. Pourtant, le fait de les alimenter avec l’eFuel peut atténuer cela, tout en empêchant le développement du réchauffement climatique. De plus, les personnes contre le passage en force au tout-électrique seront les clients potentiels de ce carburant vert. D’ailleurs, le PDG de Porsche a été très optimiste en déclarant : “Nous pensons que les carburants synthétiques produits à partir d’une énergie 100 % renouvelable ont le potentiel d’être un élément important (à l’avenir)”.